LE « BARÈME MACRON » DÉFAIT PAR LE CPH DE TROYES…

Cette réforme qui est intervenue par Ordonnances le 23 septembre 2017 visait notamment à imposer au Juge prud’homal un plafonnement des dommages et Intérêts alloués aux salariés licenciés sans motif réel et sérieux.
Lesdits plafonds d’indemnisation varient qu’en fonction de l’ancienneté, de 1 à 20 mois de salaire, avec la volonté de permettre à l’employeur de prévoir le coût d’un licenciement abusif en cas de saisine du Conseil des Prud’hommes.
Cette réforme a sonné le glas du pouvoir souverain du juge, alors que ce dernier pouvait précédemment  tenir compte de l’ensemble des éléments du préjudice : âge, santé, situation familiale, contexte professionnel, etc …
En droit français, cette limitation est la seule exception. Pour beaucoup, le principe aurait dû rester celui de la réparation Intégrale pour ce salarié qui reste la partie faible dans le contrat de travail.

Conçu pour plafonner le montant des indemnités de licenciement sans cause réelles et sérieuses, ce barème a été cassé par la Section Activités diverses du Conseil des Prud’hommes de TROYES, suite à une série d’arrêts, le 13/12/2018 sur l’argumentation suivante :

« (…) Sur l’inconventionnalité des barèmes prévus par l’article L1235-3 du Code du travail

L’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958 indique que <<les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.»
Si le Conseil Constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité des lois à la Constitution, le contrôle de conformité des lois par rapport aux conventions internationales appartient aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la. Cour de Cassation et du Conseil d’Etat.
La Cour de Cassation a établi que la convention n°158 était «directement applicable» et a souligné <da nécessité de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention».
L’article 10 de convention n°158 de l’OIT, sur le licenciement, ratifié par la France le 16 mars 1989, stipule que les si les tribunaux «arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible, dans les circonstances, d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée».
L’article 24 de la Charte Sociale Européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999 stipule «en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître ( … ) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée».
. Le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions del ‘article 24 de la Charte Sociale Européenne sont directement invocables devant lui.
Le Comité Européen des Droits Sociaux, organe en charge de l’interprétation de la Charte, s’est prononcé sur le sens devant être donné à l’indemnité adéquate et à la réparation appropriée dans sa décision du Comité du 8 septembre 2016.
Le Comité a ainsi jugé que la Loi Finlandaise qui fixait un plafond de 24 mois d’indemnisation était contraire à la Charte:
« ( … ) dans certains cas de licenciement abusif, l’octroi d’une indemnisation à hauteur de 24 mois prévue par la loi relative au contrat de travail peut ne pas suffire pour compenser les pertes et le préjudice subis. ( … ) Le Comité considère que le plafonnement de l’indemnisation prévue par la loi relative au contrat de travail peut laisser subsister des situations dans lesquelles l’indemnisation accordée ne couvre pas le préjudice subi».
Le Conseil d’Etat a reconnu que la Charte Sociale revêtait le caractère d’un traité international.
La Cour de Cassation a reconnu l’applicabilité directe et se réfère aux articles 5 et 6 de la Charte Sociale dans de nombreuses décisions sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective.
L’article Ll235-3 du Code du travail dispose que «Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, ( … ) le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau».
Le barème est fixé en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise et peut aller jusqu’à maximum 20 mois.
L’article Ll235-3 du Code du travail dispose que «Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse,( … ) le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau».
Le barème est fixé en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise et peut aller jusqu’à maximum 20 mois.
L’article Ll235-3 du Code du travail, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustent licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi.
De plus, ces barèmes ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Ces barèmes sécurisent d’avantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables.
En conséquence, le Conseil juge que ce barème viole la Charte Sociale Européenne et la Convention n°158 de l’OIT.
Les barèmes prévus à l’article Ll235-3 du code du travail sont donc inconventionnels.

(…)  PAR CES MOTIFS
Le Conseil de Prud’hommes de Troyes, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire en premier ressort,
DIT que les barèmes prévus à l’article L1235-3 du Code du travail sont en contrariété avec la Charte Sociale Européenne et la Convention n°158 de l’OIT, « 

CONSÉQUENCES :

Il faut noter qu’avant ce coup de boutoir, les seules exceptions en matière d’application du « barème Macron » étaient liées à la preuve de l’existence d’une discrimination ayant entaché le licenciement.

Cf article L1235-3-1 : le barème « n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités » que la loi énumère.

« L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d’une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.« 

Tout repose à présent entre les mains de la Cour de Cassation …

Mais ces jugements, et le mouvement amorcé par certains syndicats notamment d’avocats, laissent présumer une accélération du processus de « démantèlement » du barème Macron. 

Affaire à suivre.